Les matériaux -thérapie ou l'art de réparer.
- Heike
- 22 mai
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 20 heures
Des études ont été faites, nous communiquons par et avec la matière.
Que ce soit par le regard, le toucher, toutes les sensations et même les bruits, on appréhende son environnement avec une part de non verbal de plus de 55% voir même de 93% quand on y intègre le ton de la voix ! Les objets en font partie. Et les choix de couleurs, de formes et de matières sont l'expression d'une part importante de nos émotions et de l'image que nous donnons de nous-même.
Qu'à cela ne tienne, si toute relation avec autrui relève d'une savante alchimie qui dépasse notre raison et nous place très souvent dans l'incapacité à maitriser celle-ci, le rapport à la matière est peut-être une manière d'éclaircir le sens de ce mystère et de placer nos sens dans une réalité plus tangible.
Il m'arrive parfois de me poser dans mon salon et d'observer autour de moi. De rencontrer avec mon regard chaque objet, chaque meuble et d'y voir la construction d'un rapport harmonieux. Une harmonie subjective bien sûr, mais faite de tous ces choix, de tous ces lieux visités pour récolter ces objets, de toutes ces heures passées à transformer la matière, et de me sentir "chez moi"
Il n'y a pas franchement d'objets inutiles. Il y a seulement des objets habités et des objets inhabités. Ce qui leur donne cette valeur ? C'est l'attention que nous leur portons. Pas l'attention du "possesseur", mais l'attention du coeur. Remarquer si l'objet est expressif, coloré ou discret, constater au toucher si il est doux ou rugueux, si il a des formes angulaires ou des courbes arrondies, si il est abimé ou neuf, si il nous raconte une histoire ? Observer la place que nous lui donnons, c'est aussi prendre conscience de notre façon de le penser. Un meuble ne doit-il être qu'utile et donc "raser les murs" afin de prendre le moins d'espace virtuel possible ? Doit-il "aller avec tout" et donc s’accommoder discrètement avec tout et rien ? Peut-il prendre sa place et respirer par lui-même comme une île au milieu de l'océan ? Peut-il trôner au milieu d'une pièce comme la tour Eiffel au milieu de Paris ?
Poncer le bois, encore et encore, c'est se réparer indéfiniment
L'acquisition d'un objet passe, pour moi, forcément par sa manutention. Au même titre qu'un objet fabriqué, la plupart du temps, si c'est un meuble, il aura droit à une restauration, partielle ou complète. Faudra-il changer la mousse ou le tissu d`un fauteuil ? Faudra-t-il enlever le vernis craquelé d'une commode et en remettre un nouveau ? Faudra-t-il démonter toute la structure car les chevilles sont parties en miette ? il y a dans la restauration d'une pièce, une volonté farouche à vouloir "réparer". Réparer "l’inattention" d'une chaise restée des années dans une cave en la dépoussiérant, réparer l'usure et l'usage d'un canapé sur lequel on a sauté, dormi, manger, bu, travaillé, en le nettoyant de fond en comble des épingles, des boutons, des restes de nourriture et parfois même des jouets coincés dans les fentes des coussins, réparer la beauté d'un fauteuil déchiré que l'on a caché sous une couverture depuis longtemps, réparer la peau boursouflée d'un vernis craquelé qui a viré au jaune et dont les tâches d'eau infiltrées ont laissé des trainées grises, en ponçant encore et encore par couche de papier successives pour révéler les veines du bois dans leurs magnificences. La révélation vient alors, par la beauté de cette matière vivante qui respire à nouveau, par le contact des mains qui façonnent et qui renvoient à notre cerveau des informations qui le rendent plus intelligent, par la croyance du visionnaire qui voit enfin l'objet retrouver sa beauté d’antan. Il faut parfois du courage pour vouloir réparer un objet cassé mais c'est une question de chance que l'on donne n'est-ce pas ?
Donner une seconde chance est une question de philosophie et de valeur culturelle. J'ai entendu parler d'une tribu des Andes qui est un peuple qui vit en autarcie. Ils élèvent les moutons, les tondent, filent la laine et la tissent pour créer des tissus qu'ils utilisent pour coudre leurs vêtements, leurs couvertures, leur tapis. De couleur naturelle blanche, lorsqu'un habit est abimé ou troué, ils le réparent. Encore et encore et lorsqu'une personne meurt, ses enfants héritent de ses étoffes. Plus l'habit est réparé, plus cela se voit, plus il prend de la valeur. Car ce qui importe, c'est son histoire. C'est le ou les corps qu'il a protégés, réchauffés ou tempérés, ce sont les plaies et les lésions qu'il a subit et qui ont été réparées, ce sont les traces de chaque main, qui avec art, sont intervenues pour raccommoder afin de reconstituer une pièce encore plus belle.
Un dernier exemple, le Kintsugi: c'est l’art japonais de réparer des pièces de poterie cassées avec de l’or. La traduction de kintsugi est «jointure en or» alors que kintsukuroi signifie «réparation en or». Cette technique permet de réparer et d’embellir des porcelaines ou céramiques brisées. L’idée est d’utiliser les défauts et les imperfections pour créer une œuvre d’art encore plus forte et plus belle. Chaque fissure est unique et au lieu de réparer un article comme neuf, la technique vieille de 400 ans met en évidence les “cicatrices” dans sa conception même.
L'équipe de kus.design se tient à votre disposition pour toute demande de restauration
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